vendredi 5 juin 2009
Elle n’a jamais fait de slam
Une chronique de André Marceau
« je les ai enterrés seule des tableaux
comme un drame à partir de la bouche
sans compter les membres les secondes
c’était trop d’avenir dans une paume
petites choses des racines un diable
de loin et ses dégoulinures pas de corps
dans le parc sur les murs pour personne
juste un mort transparent à travers ses filtres »
[Extrait de la quatrième de couverture du recueil : Maniérisme le diable]
Kim Doré
Née à Montréal en 1979, Kim Doré a publié son premier recueil de poèmes, La dérive des méduses, à l’âge de 20 ans. Elle a par la suite complété des études de maîtrise à l’Université du Québec à Montréal où elle s’est intéressée aux rapports entre la science et la littérature.
En 2003, elle cofondait, avec Jean-François Poupart, les éditions Poètes de brousse, où paraîtront
Le rayonnement des corps noirs (pour lequel elle a remporté le Prix Émile-Nelligan en 2004) et Maniérisme le diable (en 2008) qui s’est mérité le Prix des lecteurs au 10ème marché de la poésie.
Je lui ai demandé de rédiger un texte qui nous expliquerait ce qui l’a conduit jusqu’ici à ne pas participer à un slam de poésie. Évidemment, elle avait champ libre quant à la nature de sa réponse, que voici.
Je n’ai jamais fait de slam* parce que
a) je n’aime pas y assister ; je supporte mal l’oralité sans la musique.
b) j’ai un rapport très tactile et/ou visuel aux mots ; je préfère toujours les lire.
c) je suis terrorisée par l’esprit de la performance.
d) Je ne sais pas trop ce dont il s’agit.
e) Néanmoins je suis POUR le slam
f) Toutes ces réponses
*Une copie autographiée du DC exclusif de Petit corps en santé à faire tirer parmi ceux qui auront la bonne réponse.
Quelques extraits de son dernier recueil
Kim Doré
Maniérisme le diable,
Poètes de brousse, 2008, 72 p., 15.00 $
« Je suis fraternelle dans les paysages,
les paraboles ne nous mènent nulle part qu’au début,
l’eau glacée du début jusqu’aux genoux et à travers.
Ça plie, ça pleure à ma place, des assemblées
dans l’orage, je ne sers à rien au pied du mur.
Il y a des os, pas d’empreinte, mauvais œil dans le dos
à s’y méprendre, je rentre blanchie de la tête
aux chevilles. Fin des prières, j’ai les yeux secs,
sortis loin devant tout le reste. »
[p. 47]
« Après le soleil glisse et je suis pleine de portes,
traversée de toute part, sans effort, par n’importe qui.
Appelle cela le diable, n’y crois pas, respire.
Je déborde de clarté, de bestioles et de bruit,
ça amuse la morte dans son trou noir.
Et les pleureuses, tout bas, sous leur maquillage. »
[p. 48]
« Ça n’arrive pas l’espace à ne plus savoir où l’on naît,
tas de feuilles de l’enfance et ses branches qui s’étirent.
Trop gris, trop grand ce corps, vieilles douleurs
dans les vieux fleuves, les fleuves :
c’est de l’eau qui regarde.
De l’autre rive on entend braire la multitude,
les enfers s’agitent. Et le pain gonfle sous terre
à la manière des cadavres,
les hordes mangent, engraissent de peur.
Territoires ou la fontaine souffrante,
ça n’arrive plus. »
[p. 49]
« Je suis enfermée ailleurs, j’habite ma respiration.
Un tout petit monde de cancers, d’alvéoles, de deuils,
trou à rats pour régresser sans tumulte,
à la manière des anges. À l’intérieur du mur
j’ai les veines saillantes, l’amour est une croyance
qui sort de moi en emportant la foudre,
les briques, l’enfant en même temps que le ventre. »
[p. 50]
Veuillez noter : La chronique « Il/elle n’a jamais fait de slam » vise à faire connaître des poètes et leur poésie qui, bien qu’écrite pour le livre, peut susciter l’intérêt des amis du SLAM. Puisque le blogue est d’abord et avant tout écrit (et non sonore, parlé ou vidéo), la publication de quelques poèmes s’avère appropriée.
« je les ai enterrés seule des tableaux
comme un drame à partir de la bouche
sans compter les membres les secondes
c’était trop d’avenir dans une paume
petites choses des racines un diable
de loin et ses dégoulinures pas de corps
dans le parc sur les murs pour personne
juste un mort transparent à travers ses filtres »
[Extrait de la quatrième de couverture du recueil : Maniérisme le diable]
Kim Doré
Née à Montréal en 1979, Kim Doré a publié son premier recueil de poèmes, La dérive des méduses, à l’âge de 20 ans. Elle a par la suite complété des études de maîtrise à l’Université du Québec à Montréal où elle s’est intéressée aux rapports entre la science et la littérature.
En 2003, elle cofondait, avec Jean-François Poupart, les éditions Poètes de brousse, où paraîtront
Le rayonnement des corps noirs (pour lequel elle a remporté le Prix Émile-Nelligan en 2004) et Maniérisme le diable (en 2008) qui s’est mérité le Prix des lecteurs au 10ème marché de la poésie.
Je lui ai demandé de rédiger un texte qui nous expliquerait ce qui l’a conduit jusqu’ici à ne pas participer à un slam de poésie. Évidemment, elle avait champ libre quant à la nature de sa réponse, que voici.
Je n’ai jamais fait de slam* parce que
a) je n’aime pas y assister ; je supporte mal l’oralité sans la musique.
b) j’ai un rapport très tactile et/ou visuel aux mots ; je préfère toujours les lire.
c) je suis terrorisée par l’esprit de la performance.
d) Je ne sais pas trop ce dont il s’agit.
e) Néanmoins je suis POUR le slam
f) Toutes ces réponses
*Une copie autographiée du DC exclusif de Petit corps en santé à faire tirer parmi ceux qui auront la bonne réponse.
Quelques extraits de son dernier recueil
Kim Doré
Maniérisme le diable,
Poètes de brousse, 2008, 72 p., 15.00 $
« Je suis fraternelle dans les paysages,
les paraboles ne nous mènent nulle part qu’au début,
l’eau glacée du début jusqu’aux genoux et à travers.
Ça plie, ça pleure à ma place, des assemblées
dans l’orage, je ne sers à rien au pied du mur.
Il y a des os, pas d’empreinte, mauvais œil dans le dos
à s’y méprendre, je rentre blanchie de la tête
aux chevilles. Fin des prières, j’ai les yeux secs,
sortis loin devant tout le reste. »
[p. 47]
« Après le soleil glisse et je suis pleine de portes,
traversée de toute part, sans effort, par n’importe qui.
Appelle cela le diable, n’y crois pas, respire.
Je déborde de clarté, de bestioles et de bruit,
ça amuse la morte dans son trou noir.
Et les pleureuses, tout bas, sous leur maquillage. »
[p. 48]
« Ça n’arrive pas l’espace à ne plus savoir où l’on naît,
tas de feuilles de l’enfance et ses branches qui s’étirent.
Trop gris, trop grand ce corps, vieilles douleurs
dans les vieux fleuves, les fleuves :
c’est de l’eau qui regarde.
De l’autre rive on entend braire la multitude,
les enfers s’agitent. Et le pain gonfle sous terre
à la manière des cadavres,
les hordes mangent, engraissent de peur.
Territoires ou la fontaine souffrante,
ça n’arrive plus. »
[p. 49]
« Je suis enfermée ailleurs, j’habite ma respiration.
Un tout petit monde de cancers, d’alvéoles, de deuils,
trou à rats pour régresser sans tumulte,
à la manière des anges. À l’intérieur du mur
j’ai les veines saillantes, l’amour est une croyance
qui sort de moi en emportant la foudre,
les briques, l’enfant en même temps que le ventre. »
[p. 50]
Veuillez noter : La chronique « Il/elle n’a jamais fait de slam » vise à faire connaître des poètes et leur poésie qui, bien qu’écrite pour le livre, peut susciter l’intérêt des amis du SLAM. Puisque le blogue est d’abord et avant tout écrit (et non sonore, parlé ou vidéo), la publication de quelques poèmes s’avère appropriée.
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2 commentaires:
J'adore de plus en plus cette chronique. Je vais essayer de trouvé du Kim doré dans une des billions de librairies du vieux. Sinon j'vous envoie un message pardis! (les extraits m'ont convaincus)
Eh bien… chouette ! tu ne devrais pas avoir trop de difficulté à le trouver, il est encore récent. Au pire, tu peux le commander dans une librairie. Ils sont là pour ça. Bonne lecture…
Et merci de nous suivre.
End ré
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