jeudi 26 mars 2009

Il n’a jamais fait de slam…

Une chronique de André Marceau

« Le poème est assassin
porteur de renouveau

Utilisez ces pages comme mèche molotov ».
[Sébastien Bec, extrait de la quatrième de couverture]


Sébastien Bec
Nous sommes tous guerriers
Éditions Trois-Pistoles,
140 pages, 2008.

Sébastien Bec est né il y a 37 ans et décédé il y a 8 ans, à l’âge de 29 ans. À tout jamais, il demeurera un jeune poète et il passera à la postérité avec ce recueil, qui fut publié à titre posthume en 2008.

J’ai connu Sébastien et, bien que je n’aie jamais été de ses intimes, nous étions amis en poésie. Malgré les différences quant à l’approche et la voix, je me sentais très proche de lui, je lui reconnaissais une rigueur et une intégrité spirituelle, si rare de nos jours – même dans le merveilleux monde de la poésie ! Le connaître était pour moi un plaisir…

Lorsque j’appris à la fin de l’année 2000 qu’une tumeur au cerveau allait inexorablement l’emporter, j’ai senti combien il me manquait déjà. Et, depuis, en un lieu non localisable une sorte de trou plein réside et s’agrandit par effet de résonances.

S’il n’a jamais fait de slam, je suis persuadé que c’est par défaut, parce que ça n’existait pas encore au Québec… puisque, parallèlement à la poésie, il était animé d’une autre passion, celle pour l’improvisation (théâtrale) disposant les comédiens dans une situation similaire au Slam, soit la compétition et la soumission au jugement du public. Il a été joueur et entraîneur dans la LIQ (Ligue d’Improvisation de Québec) en vertu de quoi il a su transmettre le virus à de multiples jeunes. À la LIQ, on a donné son nom à un Prix qui est remis chaque année à un joueur ou à une joueuse qui investit temps et énergie pour l’épanouissement de l’improvisation.
Par ailleurs, de nature très curieux et ouvert à la nouveauté, il aurait sans doute été attiré par le slam de poésie, ne serait-ce que pour explorer de lui-même ce cadre de diffusion nouveau offert à la poésie.

« Portrait »
« Sébastien a été membre actif du Tremplin d’actualisation de poésie (TAP) de Québec. Il a participé à plusieurs récitals et soirées de poésie, quelques éditions des Vendredis de poésie, dont une édition de Sinécure Urbaine, sous les bretelles de l’autoroute Dufferin dans le quartier Saint-Roch, ainsi qu’à deux éditions de Messe pour un temps mort (« Célébration déconcrissée en l’honneur de la vie »), un spectacle de poésie multidisciplinaire présenté à l’Autre Caserne.

Sébastien s’est intéressé aux luttes de libération des peuples opprimés et à la violence étatique. À ce chapitre, il affirmait volontiers qu’il aurait pris les armes. Celle qu’il a choisie est la poésie. Il disait souvent que si sa poésie pouvait permettre à une seule personne de ne pas se décourager et de ne pas vouloir en finir avec la vie, il aurait réussi. » […]
[Extrait de « Portrait » par Marie-Claude Huot, pages 7 et 8].

Dure, voire « rough », sa poésie couvrait tout le territoire miné du quotidien. Le jeune poète rappelait, au détour de chaque poème, que nous sommes assaillis, assiégés, opprimés par des forces ordinaires et que la libération reste une lutte de tous les instants, au coin de la rue, au dépanneur, dans le salon…

Poésie, quelques extraits

« J’aurais dû te laisser des armes

Dans le fossé
ton regard
la chair de poule

Il reste des esprits vautours
sur tes cuisses salies
tes nylons hurlants

Et la BM qui disparaît »
[p. 29]

« La télévision, la bière
coûtent moins chers à l’État
qu’une intervention militaire

L’intertie tue »
[p. 33]

« Personne ne nous donnera raison

Nous travaillons pour que cette nuit arrive
que vous écopiez
que l’eau nous soit rendue

Arrête de me regarder
comme si
tu n’avais jamais posé de bombes »
[p. 34]

« Je me buste de grenades
pour aller chercher du crédit à l’épicerie »
[p. 35]

« Appuyez sur la gâchette
ou donnez-moi votre arme
je ne sais plus comment retourner chez moi »
[p. 30]

Poèmes extraits de :
Sébastien Bec
Nous sommes tous guerriers

Éditions Trois-Pistoles, 140 pages, 2008.

*_*

Avis aux lecteurs :
Nous inaugurons ici une nouvelle chronique : « Il / Elle n’a jamais fait de slam… » qui sera vouée à des poètes (de tous âges, vivants ou disparus] qui ne pratiquent pas le slam.
L’objectif visé est de faire connaître des poètes et leur poésie qui, bien qu’écrite pour le livre, peut susciter l’intérêt des amis du SLAM.
Puisque le blogue est d’abord et avant tout écrit (et non sonore, parlé ou vidéo), la publication de quelques poèmes s’avère appropriée.
End

5 commentaires:

Symnd a dit…

Cette chronique m'émeut. M'autruche même.

Je les lirais assidûement. et j'essaierai de trouver une copie de se Bec qui ma foi... m'est inconnu... (J'n'avait que 10 ans à sa mort et la poésie m'intéressait guère)

Christian Roy, aka Leroy a dit…

très intéressant comme chronique end ré. moi non plus je ne connaissais pas ce Bec.

sur ma to-buy list.

André Marceau a dit…

vous pouvez le commander en librairie. Ou, si vous préférez, il est également disponible dans le réseau des bibliothèques de Québec.
End ré

Julie a dit…

C'était l'amour de ma jeunesse. Il me manque trop, comme de grands tatouages qui me parcourent d'est en ouest et dont je ne peux me défaire.

André Marceau a dit…

Merci, Julie, pour votre témoignage.
End ré