jeudi 25 juillet 2013

Il n'a jamais fait de slam

Une chronique de Geneviève Lévesque
d'après une idée originale de André Marceau

La chronique « Il/Elle n’a jamais fait de slam » vise à faire connaître des poètes et leur poésie qui, bien qu’écrite pour le livre, peut susciter l’intérêt des amis du slam. Puisque le blogue est d’abord et avant tout écrit (et non sonore, parlé ou vidéo), la publication de quelques poèmes s’avère appropriée.

Dominic Deschênes

Dominic Deschênes est né en 1976 à Québec, où il vit toujours. Diplômé de l’Université Laval en littérature, il a complété une maîtrise en 2003. Maintenant libraire de profession, il est également poète, essayiste, musicien et directeur des Éditions du Sablier. Il est l’auteur de trois recueils de poésie, dont Le silence de l'attente, publié à Paris aux Éditions L'Harmattan et lauréat du Prix de la Francophonie 2006 de la ville alsacienne de Molsheim. Certains de ses poèmes ont été traduits en anglais et en japonais.
Crédit photo : Anneli Lukka

Dernier recueil publié : Le silence de l’attente, Paris, Éditions L’Harmattan, 2008, 61 p. (Prix de la Francophonie 2006 de la Ville de Molsheim). 

Autres publications :
D’ambre et de fleurs / Kohaku to hana to (renga), Québec, Éditions du Sablier, collection « Sépia », n° 3, 2006, 72 p. (en collaboration avec Marie Sunahara).
Reste ce que l'on perd (poésie), Québec, Éditions du Sablier, collection « Sépia », n° 1, 2003, 57 p. (2e édition 2010).

À l’instar des autres poètes invités à la chronique « Il/Elle n’a jamais fait de slam », Dominic Deschênes a rédigé un court texte pour nous expliquer pourquoi il n’a jamais participé à un slam de poésie.

Je n’ai jamais fait de slam parce que : 

La poésie que j’écris est davantage faite pour être lue que pour être « performée » ; même si je la présente fréquemment lors de lectures publiques, le livre demeure son lieu naturel. Je n’éprouve pas de difficulté particulière avec la mémorisation ou la déclamation, mais je n’ai jamais été très doué pour écrire des poèmes auxquels les jeux de mots et les figures sonores conféreraient le rythme et la musicalité caractéristiques des textes slamés. C’est une situation un peu paradoxale pour moi, qui suis également musicien. À propos, j’ajouterais qu’avec le temps, le livre est devenu un élément quasi essentiel à mes prestations poétiques, comme l’est également ma guitare lorsque je chante en public. J’aime avoir l’impression que ma voix fait jaillir les mots du livre ouvert et les souffle jusqu’aux oreilles des spectateurs.


Extraits de Le silence de l’attente et de Reste ce que l'on perd
par Dominic Deschênes 
Éditions L’Harmattan, 2008 et Éditions du Sablier, 2003




Le temps d’une cigarette
Tenue entre nos quatre doigts
Nos âmes se sont effleurées

C’était avant que tu t’envoles
Sur une voiture de fumée
Et que tu ailles semer tes braises
Dans la paille d’un autre cœur

Dès lors je garde en moi
Toute la puissance de l’eau
Derrière une digue de papier

(Le silence de l’attente, p.18)









Après la perte devenue nécessaire
Quittant la brisure de nos chemins
Je prends le risque de franchir
Un océan de pierre
Pour repêcher mes souvenirs lanternes
Du plus profond des eaux fossiles
Et me tenir debout
Dans une lumière nouvelle
L'âme intacte
Le cœur balafré

(Le silence de l’attente, p. 31)







On a beau s’aveugler à fixer une chandelle au bout d’un tunnel imbibé de nuit, on a beau mourir au bout de son sang sans en perdre une goutte, ou encore s’enfoncer dans un désert de sable scarifié jusqu’à ce que le ciel boive notre âme en pièces, il y a toujours cette petite voix qui nous serine que le temps est une plante pour chaque rose, dans l’espoir de nous tirer des profondeurs endorphines.

Mais la fenêtre de la raison reste obstinément close, et l’on se rendort dans sa conscience de vieille pierre.

(Reste ce que l'on perd, p. 31)




- - - Extraits de Le silence de l’attente, Paris, Éditions L’Harmattan, 2008, 61 p. (Prix de la Francophonie 2006 de la Ville de Molsheim) et de Reste ce que l'on perd (poésie), Québec, Éditions du Sablier, collection « Sépia », n° 1, 2003, 57 p. (2e édition 2010).

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