mercredi 17 avril 2013

Il n'a jamais fait de slam

Une chronique de Geneviève Lévesque
d'après une idée originale de André Marceau

La chronique « Il/Elle n’a jamais fait de slam » vise à faire connaître des poètes et leur poésie qui, bien qu’écrite pour le livre, peut susciter l’intérêt des amis du slam. Puisque le blogue est d’abord et avant tout écrit (et non sonore, parlé ou vidéo), la publication de quelques poèmes s’avère appropriée.

Alix Renaud

Alix Renaud est lauréat du prix Charles-Biddle 2007 et du prix de L'Institut canadien de Québec 2012. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages publiés au Québec et en France (poésie, romans, nouvelles et dictionnaires spécialisés), il a plusieurs fois représenté les écrivains du Québec à l'étranger. Il figure dans quelques anthologies et ouvrages de référence. Il est membre de l’Union des écrivains québécois et membre associé de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec.

Diseur, il se produit sur scène depuis les années 1970, au pays comme à l’étranger : récitals de poèmes et de chansons en français, créole, espagnol et italien. Il a enseigné la diction poétique (« art de dire ») à l’Université Laval et dirigé des ateliers de diction poétique. Ancien terminologue (linguiste) au Secrétariat d'État du Canada, il a également été conseiller littéraire auprès du ministère des Affaires culturelles du Québec (actuel ministère de la Culture et des Communications). Il a écrit pendant plusieurs années pour la radio FM de Radio-Canada (dramatiques et documentaires), en plus de collaborer à divers journaux et revues par des textes de création, de critique littéraire, de sociolinguistique, des études terminologiques, etc. De 1992 à 2013, il a été professeur d’expression orale au Collège radio-télévision de Québec (C.R.T.Q.). Il a réalisé et réalise encore des jeux linguistiques pour différents périodiques spécialisés : InfOpéra, Camping Caravaning, etc. Alix Renaud anime, depuis sa fondation, le Cercle littéraire Gabriel-Garciá-Márquez.

POUR LE PLAISIR DU TEXTE...

Dernier recueil publié : Chair bohème suivi de Dulcamara, Québec, Cornac, 2009, 136 pages.
Note critique : http://voir.ca/livres/2009/05/21/alix-renaud-chair-boheme-suivi-de-dulcamara/

À l’instar des autres poètes invités à la chronique « Il/Elle n’a jamais fait de slam », Alix Renaud a rédigé un court texte pour nous expliquer pourquoi il n’a jamais participé à un slam de poésie.

Je n’ai jamais fait de slam parce que : 

Sans doute parce que je n'ai pas fini d'approfondir une manière personnelle de dire les textes, aussi bien mes poèmes que ceux des autres. Ainsi, après le récital Les poètes maudits que j'avais conçu et mis en scène le 26 juillet 1973 (La Résille, Université Laval), une journaliste se demandait si c'était une bonne idée de marier théâtre et poésie («Qui sont ces poètes maudits?» - Le Soleil, Québec, 28 juillet 1973)… Il faut croire que l'idée était dans l'air, puisque, quelques années plus tard, cette façon de dire s'est quelque peu généralisée, affublée d'un nom emprunté à l'anglais (performance). Bref, je continue d'explorer une voie différente, une sorte de route sans fin.


Grâces et quelques extraits de Chair bohème suivi de Dulcamara
par Alix Renaud
Éditions de l'Erbium, 1979 et Cornac, 2009


GRÂCES

Sois bénie femme ô femme
femme transfigurée
corps absolu
chair votive

Que soit bénie ta fièvre et béni le silence
où ton geste pieux
sème sur notre couche
des gerbes de clartés

Ton nom soit béni femme béni ce flanc
plus peuplé que l'enfer et le ciel accordés
car il est un autel
il est temple d'hier et temple de demain
et je vois tous les temps s'y perdre d'allégresse
quand j'aime et que tes flancs
ruissellent de bonheur

Sois bénie femme ô femme
femme transfigurée
corps absolu
chair votive

Et l'antre soit bénit où ma lèvre gourmande
fait monter de ta vie la houle des eaux lourdes
l'âcreté capiteuse d'étranges parfums
et ce long cri de bête
et ce râle ébloui

Sois bénie femme ô femme
femme transfigurée
corps absolu
chair votive

Et l'antre soit bénit où mon corps ébranlé
s'entête de plaisir au faîte de l'extase
que l'antre soit bénit où nos chairs confondues
conspirent ce vertige nôtre
zébré de spasmes fous complotant la brimbale qui
nous brisera femme ô femme transfigurée

Quand je devrai
au port d'un vieil âge éreinté
larguer les voiles pour ailleurs
femmes la couche humide où nous nous accueillîmes
encor tout imprégnée du parfum de vos nuits
qu'elle soit mon linceul
comme elle fut berceau de mes heures joyeuses

Sois bénie femme ô femme
femme transfigurée
corps absolu
chair votive

(Grâces)





TROIS HAÏKUS L’UN À L’AUTRE ENCHAÎNÉS

Voltes au soleil
sourires et jeunes filles
Émoi du printemps

Obligeantes fleurs
au gala des papillons
Adieu pucelage

Cœur trop impassible
au dernier mot d’un adieu
Une cage aux pleurs


(Chair bohème suivi de Dulcamara, p. 14)




- - -
Extraits de Grâces, poème de chevet (illustré d'une aquarelle de Marie Laberge), Québec, Éditions de l'Erbium, 1979 et de Chair bohème suivi de Dulcamara, Québec, Cornac, 2009.

Pour lire les chroniques précédentes, cliquez.


Aucun commentaire: